À propos
Le laboratoire des intuitions est une plateforme pluridimensionnelle, constituée d’artistes et de théoriciens évoluant dans de nombreux champs d’expérimentations et de connaissances, susceptibles dans ce projet, de construire des liens dynamiques entre les formes de pensée, à travers l’art, la philosophie, la sémiologie, les mathématiques, la physique, etc.
Le laboratoire des intuitions a pour double objet : l’analyse des pratiques de dessins et de représentation dans tous les champs du savoir et la tentative dans le même temps d’élaborer avec les artistes de nouvelles pratiques dynamiques de mise en œuvre du projet, en considérant que ceux-ci ont des intentions d’écriture propres au développement des formes (la transcription ou l’écriture de l’espace-temps de la performance par exemple, ou autre exemple, le diagramme dans sa phase image de pensée versus le diagramme dans sa figure de démonstration lors d’une conférence).
Ce programme, piloté par le champ de l’art, a pour objet d’interroger la notion d’intuition dans tous les champs des savoirs (y compris les sciences physiques et mathématiques).
Si la théorie est un « relais d’une pratique à une autre », comme l’explique Michel Foucault, il en est une forme dont le propre serait d’accomplir cette connexion à l’aide de formidables raccourcis: l’intuition. Elle est étymologiquement ce qui est « intensément en vue ». Du latin in – dans - et tueri – contempler. Cette vue intense n’est pas loin de la theoria, cette activité de contemplation qui est la source de la connaissance chez les grecs. Simplement, elle n’est pas « théorique » au sens disciplinaire : le travail de la pensée prépare sa survenue, mais elle est moins une activité qu’un événement, un événement de l’esprit : quelque chose s’y jette, c’est l’épibolè (« jeter sur ») chez Epicure, phantastiké épibolè tès dianoias, ou représentation intuitive de la pensée. Faisant l’économie du raisonnement déductif, l’intuition, selon la philosophie classique, présente à l’esprit instantanément l’objet de connaissance, le saisissant immédiatement. Descartes, par exemple, distingue l’intuition intellectuelle de la déduction certaine « par le fait que, dans celle-ci, on conçoit une sorte de mouvement ou de succession, tandis que dans celle-là il n’en est pas de même ; en outre, la déduction ne requiert pas comme l’intuition une évidence actuelle, mais elle emprunte plutôt en quelque manière sa certitude à la mémoire » (1).
Ainsi l’intuition permet-elle la connaissance « des premiers principes », tandis que la déduction a son terrain privilégié dans « leurs conclusions éloignées ». Avoir l’intuition d’une idée claire et distincte à propos de quelque chose, c’est à ce titre posséder une sorte de théorie à prise rapide, un colle première de l’esprit qui l’ajuste parfaitement, sans délai de jointure, à ce à quoi il s’applique : qu’il s’agisse de comprendre une partie du réel ou de posséder en soi la connaissance de l’absolu, comme dans la « connaissance du troisième genre » chez Spinoza. L’instantanéité de l’intuition, son économie formelle qui l’assimile à un éclairage soudain plutôt qu’à un processus progressif de clarification, semble donc l’éloigner de ces lieux où le savoir se soumet à des protocoles stricts, à des successions d’épreuves ou d’éprouvettes, à des logiques hypothético-déductives implacables. En quoi peut bien consister dans ces conditions un « laboratoire des intuitions » ? N’est-ce pas un paradoxe de constituer ainsi l’intuition en objet ou en instrument de laboratoire ? Mais en même temps les laboratoires de toutes sortes n’en sont-ils pas déjà pleins, bien qu’elles soient rejetées le plus souvent à l’amont invisible des démonstrations en bonne et due forme. Donc, si laboratoire des intuitions il peut y avoir, c’est que l’épibolè épicurienne pourrait gagner à se jeter sur elle-même, à se surjeter à la faveur d’un temps d’arrêt du projet, à se représenter la condition intuitive première de toute projection méthodique à venir.
Tel est le point de contact instantané de la pratique et de la théorie, le relais immédiat d’une pensée sans délais, à travers laquelle l’ordre temporel des savoirs et des savoir faire dépend pour s’amorcer de l’ouverture d’un espace de représentation, porteur de toutes leurs puissances.
Une connaissance d’un autre genre, David Zerbib.
(1) : Descartes, Règles pour la direction de l’esprit, trad. Savin, Paris, Vrin, 1994, p. 16.
Coordination :
Thierry Mouillé,
artiste, professeur à l’ESAAA, Annecy (coordination générale);
David Zerbib,
philosophe, professeur à l’ESAAA, Annecy, et à la HEAD, Genève (coordination théorique).
G∞ :
Chine Barraud,
artiste, DNSEP Annecy, éditions Ich Aur;
Olivia Boudier,
artiste, DNSEP Annecy, MDI;
Edwin Cuervo,
artiste, DNSEP Marseille;
Agathe Daigremont,
artiste, DNSEP Annecy, MDI;
Damien Fragnon,
artiste, DNSEP Annecy;
Alejandra Lefevbre,
artiste, DNSEP Marseille;
Hsin Lowen,
artiste, DNSEP Marseille;
Cyril Menouillard,
artiste, DNSEP Annecy, MDI;
Laurianne Monnier,
artiste, DNSEP Annecy, MDI;
Pauline Rivière,
artiste, DNSEP Marseille;
Jang Pyo Seo,
artiste, DNSEP Annecy;
Ludivine Venet,
artiste, DNSEP Marseille;
Clément Vieille,
apiculteur de montagne, DNSEP Annecy;
Kévin Vigué,
artiste, DNSEP Annecy, MDI;
Yuanyuan Dai,
artiste, DNSEP Marseille.
Équipe :
Naîm Ait-Sidhoum,
architecte, professeur à l’ESAAA, Annecy;
Marie-Haude Caraes,
directrice de la recherche à la cité du design;
Anna Dezeuze,
professeur d’Histoire et Théorie de l’art, ESADMM, Marseille;
Élie During,
philosophe, Maître de conférences, co-directeur du département, Université de Nanterre;
Bastien Gallet,
philosophe, professeur à l’ENBA, Lyon;
Gianni Gastaldi,
philosophe, professeur l’ESBAMA, Montpellier;
Demis Herenger,
professeur associé à l’ESAD, Grenoble-Valence;
Laurent Jeanpierre,
professeur de science politique, chercheur au Labtop, Université de Paris 8;
Camille Llobet,
artiste, DSRA Annecy;
Frédérique Loutz,
artiste, professeur à l’ESADMM, Marseille;
Patrice Maniglier,
philosophe, Maître de conférences, Université de Nanterre;
Nicole Marchand-Zanartu,
ENSCI.
Sophie Mendelsohn,
psychanaliste;
Richard Monnier,
artiste, professeur à l’ESAAA, Annecy;
David Rabouin,
philosophe, directeur de l’UMR 7219, laboratoire SPHERE (CNRS- Université Paris Diderot);
Lionel Renck,
artiste, DSRA Annecy.
Carlo Rovelli,
physicien, directeur de recherche au Centre de physique théorique de Luminy, CNRS ; professeur du département d’histoire et de philosophie des sciences, Université de Pittsburg, membre de l’institut universitaire de France;
Linda Sanchez,
artiste, DSRA Annecy;
Didier Schulmann,
conservateur de la bibliothèque Kandinsky,
Nicolas Tixier,
chercheur au CRESSON, professeur à l’ENSA, Grenoble et à l’ESAAA, Annecy;
Francesca Vidotto,
Institute for Mathematics, Astrophysics and Particle Physics, Nijmegen, Netherlands;
Évènements
19 JUIN 2014 - LANCEMENT D'INTUITIVE NOTEBOOK, FONDATION RICARD
À l’occasion de la sortie des trois premiers numéros de la revue éditée par le laboratoire des intuitions, Thierry Mouillé présente, à la Fondation Ricard, ces trois cahiers de notes et diagrammes en compagnie des auteurs : David Zerbib, David Rabouin et Bastien Gallet, philosophes. Charlie Jeffery, artiste, est invité à conclure cette table ronde / performance.
- en savoir plus -
22 - 24 AVRIL 2014 - SÉMINAIRE, ENSBA
— Bibliothèque Kandinsky, Centre Pompidou : journée entière consacrée au déploiement des originaux, avec Naïm Aït-Sidhoum, Bastien Gallet, Marie-Haude Caraes, Élie During, Tim Ingold, Thierry Mouillé, Nicolas Tixier, Linda Sanchez, Didier Schulmann, David Zerbib & les étudiants du G∞.
— ENSBA : séminaire d'Élie During, conférence de Linda Sanchez, discussion entre Tim Ingold, Linda Sanchez et David Zerbib, performance de Charlie Jeffery.
— ESA (École Spéciale d'Architecture) : conférence de Tim Ingold,
The Maze and the Labyrinth.
- photos à la Bibliothèque Kandinsky -
- photos à l'ENSBA -
- voir l'intervention de Tim Ingold à l'ENSBA -
- voir la conférence de Tim Ingold à l'ESA -
03 - 06 DÉCEMBRE 2013 - WORKSHOP/CONFÉRENCE, ESADMM
— Workshop, session #2 : déformation du souvenir, déformation par la répétition, double déformation.
—
De l’art des diagrammes II : comment interpréter un diagramme, Bastien Gallet (conférence).
"Il s’agira d’interpréter un diagramme, par exemple un morceau (un détail ?) du Treatise de Cornelius Cardew (Traité dont le statut de diagramme n’est pas sûr puisqu’en plus du genre dans lequel le range évidemment son titre on en use majoritairement comme d’une partition), et de l’interpréter dans les deux sens, c’est-à-dire de le comprendre (que décrit-il ? que fait-il ?) et de le jouer (en l’occurrence ici de le dire).
Cette conférence dira (performera ?) un diagramme et également, sur un autre plan mais en même temps, réfléchira au Diagramme (à d’autres diagrammes ainsi qu’à un concept possible de « diagramme » dont nous glanerons de-ci de-là les coordonnées qui viendront s’ajouter à celles que nous avons d’ores et déjà accumulées – dans « L’art des diagrammes I »).
Après « Pourquoi des diagrammes ? », nous poserons en effet au micro disposé à cet effet la question suivante : « Que faire des diagrammes ? » Nous serons amenés ce faisant à nous répéter, autant de fois que le diagramme interprété l’exigera (mais un diagramme peut-il se répéter ? il nous faudra naturellement aussi poser cette question)."
- photos du workshop -
- voir la conférence -
MARS/AVRIL 2013 - WORKSHOP/CONFÉRENCE, ESADMM
— Workshop en deux sessions : 'Où commence la pensée ?’ … Comment représenter une image d’une ‘réalité non encore advenue’ ? Le laboratoire des intuitions propose d’explorer ce champ des possibles par la pratique du dessin, du schéma, du diagramme, dans toutes leurs formes. La notion d’intuition permettra de s’aventurer dans différents domaines de la pensée, que ce soient les arts, les sciences exactes ou les sciences humaines.
—
Diagramme et art contemporain, Élie During (conférence).
Maître de conférences à l’Université de Paris Ouest-Nanterre et enseignant à l’École des Beaux-Arts de Paris, Elie During est un philosophe qui a publié sur des sujets aussi divers que le mathématicien Henri Poincaré, la théorie de la relativité ou le film Matrix. Dans le cadre du workshop Laboratoire des intuitions, il nous présentera ses recherches sur le rôle du diagramme dans l’art contemporain.
- voir la conférence -
23 - 25 AVRIL 2014 - WORKSHOP, ESBAMA
— Workshop : diagrammes et labyrinthes.
—
De l’art des diagrammes III, Bastien Gallet (conférence).
- plus d'informations à venir -
02 - 04 AVRIL 2014 - intuitio, ESAAA
Le laboratoire des intuitions organise le colloque
intuitio, à Annecy, dans le grand théâtre de Bonlieu Scène Nationale les 2, 3, 4 avril 2014. Trois journées denses regroupant une dizaine de conférences, cinq duos - performances praticien/théoricien, une exposition
Le vestiaire des formes et des performances de jeunes artistes de la région Rhône-Alpes.
— Cycle de conférences :
-
L'espace ouvert : flottement et traversée, Élie During et David Zerbib.
-
Walter Benjamin, Topologies de pensée, Alexandre Costanzo.
-
Métriser l'intuition : une géométrie des affects, David Rabouin.
-
Saul Bass ou l'invention du générique ambigu, Joachim Daniel-Dupuis.
-
Téléologie, Joseph Mouton.
-
Des règles de la logique à la logique des règles, Jean-Yves Girard.
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Table Ronde, Patrice Maniglier et Gianni Gastaldi.
-
En pointillant dans les dessins de Cédric Price, Naïm Aït-Sidhoum.
-
Remarques sur les dessins de Lichtenberg, Richard Monnier.
— Duos/performances praticien/théoricien :
- Romain Mathieu/Émilie Perotto (ESADSE)
- Simone Frangi/Antoinette Ohannessian (ESAD-GV)
- François Aubart/David Renaud (ENSBA Lyon)
- Dean Inkster/Florence Lazar (ESAD-GV)
- Nicolas Tixier/Linda Sanchez (ESAAA)
— Le vestiaire des formes : Dans le cadre d’
intuitio, le laboratoire des intuitions invite de jeunes artistes diplômés des écoles supérieures d’art de Rhône-Alpes à exposer pour le Vestiaire des formes, dans la
Salle blanche de l'ESAAA.
— Frasil : Installation de travaux des étudiants du G∞ dans le hall du théâtre des Haras.
- voir les conférences -
- voir les duos -
- photos de l'événement -
- photos de l'exposition : Le Vestiaire des formes -
- voir les performances : Le Vestiaire des formes -
- photos de l'installation : Frasil -
- en savoir plus -
26 - 27 NOVEMBRE 2013 - CYCLE DE CONFÉRENCES, ESAAA
Dans l'enceinte du Brise-Glace et à l'ESAAA, le laboratoire des intuitions organise deux journées d'étude, avec au programme une projection de la conférence
Diagramme et art contemporain d'Élie During, une série de conférences et des réunions de travail pour le G∞ avec Bastien Gallet.
—
Les Formes savantes, scène 1, Thierry Mouillé.
Introduction à la journée et présentation du laboratoire des intuitions par une reprise de la première scène des femmes savantes de Molière.
—
Penser comme un pied : Ces formes de déduction qu’on laisse au dehors, David Rabouin.
"De l’intuition on pourra dire, si l’on est prudent, qu’elle s’oppose à la déduction, au raisonnement, à l’inférence. Cette caractérisation négative et minimale pourrait bien expliquer, d’ailleurs, la variabilité très grande des significations prétendument positives attachées à ce terme. Ainsi un géomètre dira, sans trop s’exposer, que tout ce qui n’est pas de l’ordre du raisonnement relève de l’intuition, qu’il s’agisse de la perception immédiate du bien-fondé des axiomes, du recours à tel ou tel diagramme ou de ce trait de génie qui l’a conduit à inventer une preuve. [...]"
—
Les Formes impures de l’intuition : Figuralité et espace, Gianni Gastaldi
"Dévoiler un socle esthétique pour la logique, quel projet critique n’y a pas songé ? Et pourtant un tel dessein peine à sortir de son état de projet, hésitant entre des élucidations spéculatives générales mais inefficaces et des créations concrètes mais dispersées. La reprise du projet critique dans le contexte d’un certain tournant sémiotique au XXe siècle a suscité cependant l’élaboration de notions et concepts qui recèlent la puissance de remédier àcette situation. [...]"
—
De l’art des diagrammes I : ou comment discipliner l’intuition, Bastien Gallet
"L’intuition est ce qui prodigue à coup sûr et avec la grâce de l’évidence, elle n’a pas besoin d’être justifiée ; mais encore faut-il qu’on l’ait préalablement disciplinée. C’est une des grandes leçons de la phénoménologie (et peut- être aussi de la philosophie analytique des premiers temps) : l’intuition n’est plus une expérience, elle est ce qui reste des procédures qui vont déterminer ce qu’elle peut encore délivrer, à quelles conditions très strictes elle sera effectivement originaire. Mais l’on pourrait aussi bien dire : régulatrice. Ainsi encadrée, rognée par ses parerga, l’intuition devient une Idée kantienne de la raison, un horizon d’expérience censé justifié la validité des opérations qu’on mène en son nom : qu’il y a quelque chose qui aura résisté à la lourde et lente décollation du donné. [...]"
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OCTOBRE 2012 - WORKSHOP, UNIVERSITÉ DE RENNES 2
— Workshop : "développer une activité de production liée à cette notion d'intuition, en s'appuyant sur la pratique de l'analogie, produisant toute forme de diagrammes, de compositions, de raisonnements, de tentatives a priori "absurdes", "que sais-je encore?" en paraphrasant une célèbre collection, et de mettre en forme ce laboratoire particulier dans ce temps d'activités pluridimensionnelles."
INFORMATIONS LÉGALES
Les images, textes et vidéos appartiennent à leurs auteurs.
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IMAGES D'ACCUEIL 01 - Charles Proteus Steinmetz travaillant sur un canoë, vers 1920. (© Schenactady Museum; Hall of Electrical History Foundation/Corbis) 02 - John cage peignant New River Rocks And Washes, 1990. (© Ulrike Kasper - Écrire sur l'eau, L'esthétique de John Cage, Hermann Éditions) / 03 - Archive du workshop aux Haras de la section Design, 2013 (© ESAAA, Alexander Römer) / 04 - Thierry Mouillé, Le Vestiaire des formes - intuitio, 2014 (© Thierry Mouillé/ESAAA) / 05 - Edwin Abbot - Seeing a sphere - Flatland: A Romance of many dimensions, 1884 / 06 - Cedric Price: Three eggs diagram, 1982. (© Cedric Price, Centre Canadien d`Architecture, Montreal)
CRÉDITS
Webdesign :
L/M & Associates
Direction du contenu : Thierry Mouillé & le G8
Vidéos & photographie : le G8
Le laboratoire des intuitions est un programme de recherche de l'ESAAA. Il est soutenu par la Direction Générale
de la Création Artistique du Ministère de la Culture.
© Laboratoire des intuitions, 2014.
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